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LE VOLEUR

d’écriture, une lettre commencée sans doute, que je me mets à lire pour calmer mes nerfs.


À M. Delpich, banquier, 84, rue d’Arlon.
« Mon cher ami,

« Ne vous donnez plus la peine de me chercher un commanditaire parmi vos clients. J’ai déniché l’oiseau rare. C’est un jeune serin nommé Georges Randal, ingénieur de son état, qui est tout disposé à remettre entre mes mains deux cent mille francs, ou même trois cent mille, dans le plus bref délai. J’ai rarement vu un pareil imbécile ; il se prend au sérieux, ce qui est le plus comique, et m’a reproché amèrement de faire preuve de partialité à l’égard de la potasse. Vous savez, Delpich, si je me moque de la potasse, ainsi que des autres produits chimiques ! Pourvu que nous réussissions d’ici quelques mois la petite affaire que nous projetons, et qu’une bonne faillite bien en règle vienne couronner mes efforts, tout ira comme sur des roulettes. Je montrerai à ce Parisien, qui vient faire ici le malin, et qui peut dès aujourd’hui dire adieu à ses deux ou trois cent mille francs, de quel bois nous nous chauffons en Belgique… »


La lettre ne va pas plus loin. Ça ne fait rien ; c’est toujours instructif, et quelquefois agréable, de savoir ce que les autres pensent de vous. Je plie la feuille de papier sans rien dire et je la mets dans ma poche. On ne sait pas ce qui peut arriver.

— Apporte la lanterne, dit Roger-la-Honte qui ausculte le coffre-fort, au fond de la pièce, et qui hoche la tête comme s’il avait un diagnostic fatal à porter. Voyons… à gauche… à droite… Une pure saleté, ce coffre-fort-là ; ça ne vaut pas une bonne tirelire. C’est attristant, de s’attaquer à une boîte belge aussi ridicule quand on a travaillé dans les Fichet… Enfin, on a moins de mal. Je vais l’ouvrir par le côté ; j’appelle