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LE VOLEUR

tances des planètes au soleil et les divisions de la gamme en musique ; de toutes ces notes splendides et indéchiffrées de l’harmonie des mondes…

— Ah ! certes, dit Roger-la-Honte, les yeux fixés au ciel ; c’est superbe !… Crois-tu que c’est habité, toi, tous ces astres ? Moi, j’espère que non. Quand on pense que dans chacun d’eux il y aurait peut-être de sales bourgeois comme l’industriel et de sales voleurs comme nous… Ce serait à vous dégoûter de tout !… Ah ! Allons, il est temps. En route ! Tu n’as pas peur ? Tu n’as pas le vertige ? À la bonne heure. Ne regarde pas en bas et suis-moi ; mais ne me pousse pas. Il faut atteindre la troisième fenêtre.

La troisième fenêtre n’est pas là ; elle me semble même diablement loin. Ce n’est pas commode, de marcher sur les toits : le terrain n’est pas accidenté, c’est vrai, mais il est glissant ; et si l’on glisse — quel saut ! — Nous nous cramponnons de notre mieux à toutes les saillies, nous dépassons la seconde fenêtre et nous touchons à la troisième. Nous y voilà. Nous empoignons nerveusement la barre d’appui. Roger-la-Honte, qui a sorti de sa poche une boule de poix, l’applique sur un carreau, fait grincer un diamant tout autour et, par le trou circulaire pratiqué dans la vitre, passe sa main à l’intérieur et fait jouer l’espagnolette. Deux secondes après, nous sommes dans une chambre que les rayons de la lune nous font voir encombrée de malles, de caisses et de cartons.

— Une chambre de débarras, dit Roger en allumant sa lanterne sourde ; je le pensais bien. Pourvu que la porte ne soit pas fermée du dehors ! Non, la clef est à l’intérieur. Ça va bien ; nous n’aurons pas à faire de bruit.

Il s’assied sur une caisse et me fait signe de l’imiter.

— Écoute-moi bien, me murmure-t-il à l’oreille. Nous allons descendre ; moi, je m’arrêterai au troisième étage ; toi, tu continueras jusqu’au rez-de-chaussée avec la lanterne ; tu tireras tout doucement les trois gros verrous que l’industriel pousse tous les