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IV


Cette misérable classe d’êtres humains, tellement écrasés sous le poids de leurs fardeaux qu’ils n’ont même pas le temps de souffrir comme des hommes, pas le temps d’avoir une idée, de rassembler leur énergie. Ce sont des esclaves inconscients de leur servitude.
Herzen.

Un Anglais célèbre a dit : « La pauvreté est un crime que je ne peux pardonner. » Les Français aiment à rappeler cette phrase qui prouve, selon eux, le manque de cœur de leurs voisins d’Outre-Manche ; ils ne peuvent point, disent-ils, la citer sans frémir. Elle bouleverse leur âme sensible. Quant à eux, ils déclarent que « pauvreté n’est pas vice » et que « la misère est sacrée. » Voilà de beaux sentiments. Ils font aussi des allusions, fort transparentes, à une hypocrisie abominable qui n’affecte une grande compassion pour les indigents qu’afin de pouvoir leur rendre impunément l’existence plus pénible encore ; qui augmente son exploitation du misérable de toute la somme de pitié qu’elle lui témoigne ; sorte de tartuferie exhibant des dehors variés, tantôt d’une bonasserie béate et pleurnicharde, tantôt d’une solennité hautaine et bénisseuse, tantôt d’un enjouement chevrotant et sinistre ; et dont on peut contempler toute la hideur, assurent-ils, là-bas, dans la grande île rouge, de l’autre côté du dé-