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les Médiocres à l’effort, qu’exigeraient les Individus — l’effort dont le résultat, qui semble aléatoire, est toujours mathématique. — Elle se rend compte, beaucoup mieux qu’on ne le croirait, de la nullité de ses grands hommes postiches, en politique, en art, partout. Elle évalue à leur juste prix, ou peu s’en faut, les coryphées des groupes parlementaires, les vibrions politiques et les lumignons littéraires qu’elle fait semblant de prendre pour des phares ; elle a pesé dans la balance du mépris les Méline, les Deschanel, les Sarrien, les Dupuy et la longue kyrielle de zéros que l’électeur plaça à leur gauche ; elle a constaté la castration des hongres de l’Académie ; et n’a aucun doute sur le mérite des héros militaires dont Lemaître, qui voit du jaune dans le drapeau tricolore, narre les prouesses. Oui, elle sait à quoi s’en tenir sur ces messieurs.

Eux, bien entendu, ne s’imaginent pas une chose pareille. Ils sont trop vaniteux, trop sots. Et quand nous les prendrons à la gorge pour les mettre au pied du mur — au pied du mur — ils seront tout étonnés de voir leurs partisans de la veille accourir pour leur cracher au nez.

En attendant, ils pérorent, recueillent tous les applaudissements qu’ils désirent ; quelques huées, aussi, et quelques horions (un prélude). Les thèmes de leurs discours, lorsqu’ils traitent de la politique intérieure, ne sont ni bien variés ni bien nets. Il leur est certainement fort difficile de dire, ce que tout le monde sait, qu’ils ne rêvent que de saigner leur pays aux quatre veines et de le faire crever en puanteur de sainteté. Ils se rabattent donc sur la politique extérieure ; affirment que le croisement des races est une mauvaise chose ; déclarent que l’influence de la littérature allemande, anglaise, russe ou norvégienne est détestable, qu’elle embrume la magnifique inspiration gauloise, le fier génie latin ; prêchent la haine des nations étrangères, et surtout de l’Angleterre.

Alors, leur succès est d’assez bon aloi. D’abord, parce qu’une certaine conviction souligne leurs phrases d’ignorants fielleux : ils désirent tellement être pris au sérieux et craints par l’étranger, et ils sont tellement sûrs d’en