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tandis que Prudhomme pisse de l’œil — des larmes sincères souvent, et plus immondes, dix mille fois plus, que si c’étaient des pleurs de crocodile.

S’il n’est pire disette pour un État que celle des hommes, ainsi que l’écrivait Jean-Jacques, la France est pauvre. Elle l’est. Mais elle est satisfaite de l’être. Sa jalousie basse, l’envie abjecte et sans bornes qui la caractérise sont satisfaites aussi. L’envie démocratique ! disent les coquins du Tiers-État, toujours heureux de jeter sur les épaules du peuple le poids et la responsabilité de leurs vices. Non ! Envie bourgeoise, simplement bourgeoise, dont le virus a contaminé la foule mais qui n’en émane pas. Et c’est précisément pourquoi ce sentiment vil, qui s’attaque non moins aux hommes supérieurs qu’aux nations fortes, est si puissant en France ; car la France est, entre tous, le pays où l’esprit bourgeois — si l’on peut donner le nom d’esprit à une pareille saleté — exerce une autorité souveraine. Depuis un siècle, en dépit de toutes transformations superficielles, il n’a pas cessé de régner en maître ; il n’a pas cessé de niveler ; il n’a pas interrompu sa besogne d’assassin. Les noms de ses victimes, vous les connaissez ; elles n’étaient pas toutes révolutionnaires : l’une d’elles, qu’il tua, s’appelait Ernest Hello ; elles n’étaient pas toutes françaises : l’une d’elles, qui put lui échapper à temps, s’appelait Richard Wagner. Combien d’autres !… J’ai parlé de leur mort. Je ne pourrais point parler de leur vie. Cela, c’est indicible. Je ne sais pas dans quelle langue on pourrait exprimer toute l’horreur de l’existence que fait la France, de parti-pris, aux êtres doués d’un caractère. J’ignore comment on pourrait dire ce qu’ils endurent, ce qu’ils souffrent, toutes leurs angoisses et tous leurs désespoirs. Ce sont des parias… Et cependant ce sont des hommes.

La France ne veut pas d’hommes. Ce qu’il lui faut, c’est des castrats. Elle les exige de premier choix, coupe et profil (coupe surtout), rasés de près, tondus à la malcontent ; avec, si faire se peut, ce déhanchement prometteur que Flamidien admire en Jacques Lemaître. (Je ne