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de pet-de-loups et de ronds-de-cuir qui emboîtent le pas aux habits chamarrés.

En voilà, qui sont talonnés par leurs ambitions à jeun, et qui voudraient aller vite ! Le temps presse, disent-ils, car le cheval que monte le général Roget, ce vieux cheval de retour (d’Allemagne), ne vivra pas toujours, pas plus que le général lui-même ; et il faut marcher avant que les Sans-patrie se décident à le débiter par tranches — le cheval ou le général ? Quelle phrase ! on dirait du Brunetière corrigé par Doumic — à la boucherie hippique du faubourg du Temple.

Mais les puissances galonnées font la sourde oreille, se contentant d’approuver du panache, par ci par là, une vocifération ou un mensonge. Le parti nationaliste, produit par l’affaire Dreyfus comme un champignon vénéneux par la forêt de Bondy, peut donc continuer à gueuler, mais sur place ; il doit marquer le pas. Pour rythmer la cadence il avait un Tyrtée dont les vers boitaient à rendre jalouses les jambes de son aîné, et qui essayait de se faire prendre pour Don Quichotte parce qu’il était arrivé à mettre la moitié de l’ossature de Rossinante dans la lévite de Rodin. Depuis qu’on a envoyé ce personnage attristant prendre des hypothèques sur ses châteaux en Espagne, ce sont le faux poète Coppée et le vrai pion Lemaître qui battent la mesure à la bande sympathique. Il est difficile d’imaginer un spectacle plus lugubre et plus ridicule. Sainte-Périne fait des moulinets avec sa béquille, et Saint-Sulpice croise son goupillon déguisé en férule. Il y a des Français pour admirer ça. Il y a des étrangers pour en avoir honte.

Déserteurs de collège, transfuges de séminaire, mignons de l’Académie, se donnent la main et tendent la patte libre à la France ; qui n’a pas le courage de cracher dedans — mais qui finira, j’espère, par couper ces mains-là, et les têtes avec. — Je ne sais pas s’il y a une conscience nationale, et je souhaite qu’il n’y en ait point ; car elle aurait fait preuve d’une élasticité bien dégoûtante, depuis cent ans, et un homme qui serait affligé d’une