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avait enfoncé dans la bouche. Je vois encore le cadavre, en écrivant ; le cadavre ligotté, garrotté ; la barre de justice entravant les jambes raidies par la mort ; les fers attachant derrière le dos les mains violettes, tuméfiées et sanglantes ; la face… ah ! l’horreur, l’indicible horreur de cette figure, l’épouvantable angoisse de ces traits contractés par une souffrance qu’on rendit muette, la formidable haine que criaient ces yeux grands ouverts !… « On est d’une même patrie, s’écrie ironiquement l’un des personnages de Schiller ; par conséquent, on doit avoir les mêmes sentiments. » Mais oui, mais oui. On a eu tort de bâillonner Besserès, voyez-vous ; il aurait sans doute crié : Vive la France ! avant de mourir.

Moi, je pousserai le cri pour lui — quand il sera vengé.

Maintenant, si après trente années d’un pareil système la France n’est pas forte, on se demande avec inquiétude ce qu’il faudrait pour la fortifier. Mais il paraît qu’elle est forte, forte comme un Turc retour d’Arménie, et même comme deux. L’heureuse assurance nous en est donnée par M. Deschanel (fils, bien entendu, mais père dans une certaine mesure). Ce M. Deschanel n’est pas homme à tenir des propos en l’air — on prétend même qu’il ne peut rien tenir en l’air — et lorsqu’il affirme quelque chose, c’est qu’il est sûr de son fait. Or, il déclare que la France possède une armée très puissante, la première artillerie du monde, un esprit patriotique qui fait présager de grandes choses, qu’elle est prête à la lutte, et très forte.

Bon. Alors — c’est pour quand ?

Oui, pour quand, la guerre ? Pour quand, la revanche ? Puisqu’il était entendu qu’on devait tout souffrir pour que la France fût forte et qu’elle pût mettre en bataille le bonnet phrygien dans lequel se sont vidés tant de bas de laine ; puisqu’il est convenu qu’à présent la France est forte et que l’excellence de ses canons et de son patriotisme lui assure même une incontestable supériorité sur sa rivale ; puisque le but n’a point changé et qu’on dispose de tous les moyens dont on pouvait rêver pour l’atteindre —