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quelque patriotisme derrière les murs du Palais-Bourbon, et l’on put supposer que les déclamations de la place publique trouvaient un écho, même très affaibli, dans les ministères. Déroulède et ses ligueurs ont sauvé les apparences en faisant la parade devant la baraque où s’empiffrait l’égoïsme des jouisseurs à mandats. La ridicule exagération de leurs sentiments revanchards, même, était nécessaire pour dérober à la vue du monde, au moins partiellement, l’infamie des mercantis au pouvoir. Ils devraient faire preuve d’une certaine gratitude, ceux-là ; et non contents de ne pas enlever sa croix de la Légion d’Honneur au grand proscrit, ils devraient lui en envoyer une seconde, qu’il pourrait astiquer au blanc d’Espagne. Et puis, surtout, ils devraient être patriotes, non seulement dans leurs paroles mais dans leurs actes ; ils devraient l’être puisqu’ils possèdent, ces hommes publics, d’une façon directe ou indirecte, une partie du sol de la France — puisqu’ils possèdent légalement tout ce qu’ils ont volé.

Mais, s’ils ne donnent pas l’exemple du patriotisme, ils le prêchent. De quelque parti qu’ils se réclament, leurs sermons et leurs homélies ne varient guère. C’est toujours le même couplet sur le merveilleux relèvement de la France, et le même refrain sur la revanche nécessaire que l’avenir tient en réserve ; toujours les mêmes déclamations farcies de sous-entendus d’allure menaçante et de lieux-communs hors d’usage ; toujours les mêmes invitations à l’union, à la concorde, à l’oubli des querelles et des dissensions. C’est toujours, par dessus tout, l’Armée posée en fétiche qui exige tous les respects et toutes les adorations.

Il faut que la France soit forte. Par conséquent, il faut qu’elle se vautre, dans la boue et dans les crachats, devant l’incarnation de la force brutale mise au service du pouvoir de l’argent. Il faut que la France soit forte. Par conséquent, il faut qu’elle fasse abnégation de sa volonté et de sa liberté ; il faut qu’elle renonce à tout espoir d’amélioration et de bien-être ; il faut qu’elle accepte silen-