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donc de s’imposer la moindre contrainte, et apparurent tels qu’ils étaient ; avides, sans scrupules, sans convictions, sans courage et sans talent. Blancs ou bleus, sectaires de la loge ou du confessionnal, ils témoignèrent, dans les concurrences déloyales et timorées qu’ils se firent, d’un égoïsme égal et d’un manque d’intérêt identique dans les destinées du pays. Je ne me donnerai pas la peine de consacrer deux lignes au pitoyable Boulanger. Je ferai seulement remarquer que la Prusse, après 1806, sut trouver le baron de Stein ; et que la France, après 1870, trouva deux barons au lieu d’un : le baron de Mackau et le baron de Reinach ; elle eut même un troisième baron qui présidait, à califourchon sur le Veau d’or, aux évolutions des deux autres.

Jules Ferry, le seul des hommes d’État de la troisième République qui eut une certaine valeur, fut aussi le seul qui se refusa à jongler avec la balle patriotique ; il faut dire que son patriotisme était éclairé et sincère ; il faut dire aussi qu’il en mourut. La France n’aime à laisser vivre — et à faire vivre — que les ignorants et les charlatans. De ceux-là, ce sont des centaines et des centaines, d’un rouge plus ou moins foncé ou plus ou moins déteint, qui se succédèrent au pouvoir. L’histoire d’aucun pays, même aux heures les plus sombres, n’offre une pareille collection de nullités et de fripouilles. C’est réellement phénoménal ; depuis la chute de l’Empire on n’a pas vu, parmi les gens qui prirent part au gouvernement de la France, une dizaine d’hommes à peu près intelligents. Il n’est pas naturel qu’une nation, livrée à elle-même, puisse produire et mettre en vue, dans un laps de temps aussi bref, une semblable troupe d’histrions ignares et malfaisants. La Providence a dû s’en mêler. Gesta Dei per Francos.

Chacun des scélérats qui attelèrent leur vermineuse incompétence à ce char de l’État qui n’est que le corbillard de la dignité nationale, avait, naturellement, son système particulier de gouvernement ; ou, du moins, prétendait l’avoir ; en foi de quoi il affichait un programme. Il avait un procédé spécial, très bon, pour pressurer le