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ces Pauvres il y a des Riches, qui ont faim aussi. Il y a des hommes qui se lamentent ou vocifèrent, lourds de vices, las de durs labeurs ; des femmes qui pleurent, pâles, avec des mains crispées ; ou qui rient nerveusement, avec du fard sur leurs figures ; des vieillards qui portent sur leurs faces hébétées l’étonnement puéril d’avoir pu vivre ; des enfants qui semblent plus vieux que les vieillards. Il y a des blessures qui saignent, des plaies qui suppurent, de la fange et de la poussière de choses mortes ; il y a des bouches ouvertes pour le bâillement, pour le blasphème ou pour la prière ; il y a de la folie dans tous les yeux. Et l’on entend le cliquetis des chaînes.

« Oh ! vivre, vivre ! N’avoir plus à acheter la vie, à la vendre ! N’avoir plus à compter de l’or, des sous, des liards ! Voir le Ciel, sentir la Terre ! Oh ! vivre, vivre ! Être libres ! N’avoir plus faim ! Que faire ? Que faire ? Savoir que faire ! Oh ! Misère, misère, misère… » (Exeunt omnes.)

Alors, il n’y a que du silence.

Et puis, voici une marée qui monte, une marée rouge, un grand flux d’écarlate…

Et la Terre a bu le sang ; elle a bu assez de sang ; et elle est libre.

La voilà, heureuse, féconde, souriante et belle à jamais… Et c’est un spectacle magnifique, en vérité ; tellement, que je ne peux pas le dépeindre et que je puis dire seulement deux mots : c’est la Terre libre, fière de l’Homme libre. Amen.


Londres, 1900.


fin




Imprimerie générale de Châtillon-sur-Seine — A. Pichat.