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« Venez à moi, vous qui avez faim ; venez à moi, vous qui avez soif. Venez à moi, vous qui souffrez, et je vous donnerai le bonheur. L’ère du bonheur s’ouvrira pour vous, à jamais. Ne voyez-vous pas comme je vous fais signe, dans les beaux jours, lorsque mes fleurs s’ouvrent, et que mes arbres étendent leurs branches qui vont vous offrir leurs fruits ? Ne voyez-vous pas comme je vous appelle, à l’heure où mes moissons sont mûres, mes moissons de pain et de vin, les moissons de ma chair et de mon sang ? Ne sentez-vous pas le parfum d’amour, l’odeur de joie, qui s’exhale de mes floraisons et de mes maturités ? Pourquoi ne fêtez-vous pas Floréal ? Pourquoi ne jouissez-vous pas de Messidor ?… Ne comprenez-vous pas les colères qu’excite en moi votre démence ? N’entendez-vous pas mes cris de rage et les sifflements de ma fureur lorsque je déchaîne mes tempêtes, lorsque mes eaux se gonflent à déborder ? Vous avez peur de moi, alors ; vous n’auriez pas peur si vous me compreniez… Est-ce que vous me foulerez toujours sans vous rappeler que vous avez des instincts, des sens et des appétits, et que c’est en moi seulement qu’ils peuvent se satisfaire ? Vous m’appauvrissez, vous m’asservissez, esclaves de l’Illusion et du Mensonge ; vous stérilisez mes flancs, riches et fertiles par delà tous les rêves ; et je souffre de toutes les douleurs qui vous supplicient. Prenez-moi, fécondez-moi de toutes vos pensées ; aimez-moi de tout votre cœur, de toute votre âme et de toutes vos pensées. Je vous donnerai la vie et le bonheur à tous — à tout ce qui palpite sous le soleil. — Et vous lirez le nom qui est écrit sur mon front, le nom qui vous fait tous frères : Égalité. »

Mais il vient une Clameur ; une clameur tellement énorme qu’on n’entend plus le cri de la Terre ; et cette clameur, c’est comme la respiration même, la respiration haletante et angoissée d’une multitude qui monte, qui monte par grandes vagues désespérées. L’air frémit et semble fuir devant l’haleine de cette foule ; sous les pieds sanglants qui la pressent, la Terre se met à trembler. C’est l’armée de ceux qui ont faim : c’est l’armée des Pauvres ; et parmi