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puisent, et où la tyrannie apparaît sous son véritable aspect. C’est alors que prennent fin les périodes de développement embryonnaire qu’ont traversées les peuples, c’est alors que commence leur véritable histoire ; ou bien c’est alors que prend fin leur existence qui s’ébauchait ; c’est alors que se termine, sans espoir de lendemain vraiment glorieux, ce qu’on appelle leur histoire : les honteuses annales de tueries stériles, les légendes fanfaronnes et naïvement absurdes qui cherchent à peinturlurer de rouge la blafarde imbécillité des masses.

Il arrive donc que les groupements d’êtres que nous appelons improprement des nations, jusque-là contenus, comprimés, comme dans une camisole de force, dans des systèmes tyranniques dont les différents aspects autoritaires dissimulent mal l’éternel objet — l’extorsion du sol — se trouvent, par l’épuisement même des formes despotiques qui les avaient asservis, libérés en fait de toute contrainte et livrés à eux-mêmes. Ces groupements sentent que la vie, enfin, leur est ouverte : ils n’ont pas une connaissance complète de cette vie, mais en possèdent la conscience vague et ont des aspirations vers elle. Les tendances qu’ils ont apportées, aptitudes diverses dont la source est le besoin naturel, physique, de liberté, doivent alors se manifester en actes ; et c’est de la façon dont elles se manifestent en actes que dépend alors la vie ou la mort de ces groupements d’êtres ; que dépend leur dissolution ou leur affirmation définitive comme nations. Il y a là, pour les peuples, une période d’étonnement, de malaise, d’inquiétude nerveuse et turbulente. Ils semblent flairer, en même temps, la nécessité absolue de l’action et le danger de l’action. La stagnation leur est funeste ; elle signifie l’émiettement de leurs forces ; l’effritement, avant qu’on en ait pu faire usage, des matériaux nécessaires à l’édifice national ; elle semble inviter les peuples voisins, qui ne sont pas arrivés à un pareil point de maturité, à hâter l’anéantissement de la nation qui vient de naître en réalité mais qui hésite devant la vie. L’action aussi est dangereuse ; elle signifie, à l’intérieur, des