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tendu sa manifestation délicate et congrue pour exprimer d’une façon tangible leurs sentiments à l’égard d’une nation qui se targue de son savoir-vivre. Lorsqu’ils ont élevé un monument commémoratif de la guerre de Crimée, dédié aux soldats qui, côte à côte avec les Français, combattirent les Russes, ils l’ont érigé sur une place qui s’appelle la place de Waterloo. Aux quatre coins du groupe de bronze évoquant une confraternité d’armes, les plaques d’émail proclament l’estime du peuple britannique pour ses alliés d’un jour. Il y a peut-être là un manque de tact, mais quelle réplique anticipée aux démonstrations de ces temps derniers ! D’ailleurs, les Anglais ne se vantent point d’être le peuple le plus poli du monde ; et puis, ce ne sont pas des vaincus.

Il est vraiment incroyable que les Français ne se rendent pas mieux compte de leur propre situation. Ils ne devraient pas oublier que les désastres qu’ils ont essuyés en 70 sont sans analogues dans l’histoire et que, depuis trente ans, ils n’ont pas tenté de les réparer. Ils devraient comprendre qu’un peuple qui se trouve dans leur position ne peut conserver quelque dignité qu’en exerçant un grand contrôle sur lui-même ; et que, devant les démêlés qu’ont entre elles les autres nations, il n’y a qu’une attitude qui puisse lui convenir : poser sa chique, et faire le mort.

Mais non ; on veut faire croire qu’on est vivant ; et l’on crie, et l’on braille, et l’on insulte ; on racole les passants et on les excite contre ceux que cette pourriture, Gamelle, appelait hier l’ennemi héréditaire. On fait signe aux Indiens, aux Égyptiens, aux Russes, aux Canadiens, aux Derviches, à Ménélik. Levez-vous ! Révoltez-vous ! Mort aux Anglais ! En avant ! Les Français vous regardent !

Oui, ils regardent. Mais ils ne bougent point.

Pas de danger !