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« Il n’y a rien dans l’utopie socialiste qui ne se retrouve dans la routine propriétaire, » dit Proudhon. Les chefs du socialisme sont des propriétaires. Ils sont propriétaires de leur doctrine, et vivent dessus comme un bourgeois sur ses rentes et sur ses terres. C’est un capital, leurs théories et leurs formules. Et pour ce capital qui les fait vivre, ils exigent le respect des pauvres. C’est inouï. Autrefois, on donnait au peuple le conseil de se méfier des individus. Aujourd’hui, les individus ont disparu ; et il n’y a plus que des barbes ; et c’est des formules idiotes qui tombent de ces barbes-là, que le peuple doit se méfier. Il faudra tout de même qu’on coupe ça un de ces jours, barbes et formules, et les têtes avec, par la même occase.

Toutes les caractéristiques de petitesse, d’indécision, de cauteleuse prudence et de lâcheté qui distinguent l’esprit des classes dirigeantes, se manifestent, en des proportions qui défient l’exagération, dans l’esprit scrofuleux du Socialisme à formules poilues. Il faut avoir le courage de l’avouer : ce socialisme a été, et est encore, l’un des meilleurs soutiens du régime actuel. C’est, par le fait, une Église qui s’occupe beaucoup, comme l’autre, d’une vie future ; et dont les pontifes, laissant planer un majestueux sourire de dédain sur les misères d’aujourd’hui, désignent, de leur main moite, le mensonge des horizons. « Ce n’est que faute de savoir bien connaître et étudier le présent, dit Pascal, qu’on fait l’entendu pour l’avenir. »

Ce Socialisme pseudo-scientifique, qui n’est qu’une misérable affaire, a su grouper les mécontents, les énerver de promesses vagues et d’espoirs ridicules et leur enlever jusqu’à la volonté d’agir. Il a été, en France, aussi funeste à la Révolution qu’à la France elle-même. Il n’a rien produit jusqu’ici ; il ne produira jamais rien. « Le Socialisme, déclarait dernièrement un journal réactionnaire, c’est la haine. » Il faudrait que cela fût vrai ; cela n’est pas vrai, malheureusement.

Le Socialisme n’est pas la haine ; c’est la discussion, c’est le bavardage, c’est le compromis, c’est la tempori-