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des lèpres, la lèpre du respect. On force les enfants à apprendre qu’il faut respecter certaines institutions et certains groupes d’hommes, parce qu’on craint qu’ils ne viennent à s’apercevoir que ces hommes et ces institutions ne sont pas respectables. On s’évertue à leur fermer les yeux, et l’on espère que l’aveuglement durera. C’est là un crime abominable et imbécile ; étant donné surtout que les enfants dont on obscurcit la vision sont les enfants du peuple, la force vive de la nation, et qu’on les met délibérément hors d’état de défendre les libertés du pays, dont ils devraient être les meilleurs soutiens. Plus tard, s’apercevant que leur jeunesse fut empoisonnée de faussetés, flairant le mensonge partout, ils se laissent aller à une indifférence complète. De fatigue, ils souhaitent le bon tyran. Ils deviennent nationalistes.

Les Nationalistes, c’est la République qui les a créés lorsqu’elle s’est refusée à détruire de fond en comble le système d’enseignement servile que lui avaient légué les régimes déchus ; lorsqu’elle ne s’est pas résolue, à tout prix, à créer des hommes. D’ailleurs il était absurde d’espérer qu’un développement moral et intellectuel pût avoir lieu avant qu’on ne lui eût fourni, tout d’abord, un point de départ dans l’ordre matériel. L’homme ne vit pas seulement de pain ; mais il vit de pain, pour commencer. Voilà ce qu’il n’aurait pas fallu oublier. La vie est trop chère en France pour que l’instruction puisse y donner de bons résultats. Et puis l’école obligatoire, c’est très joli… Pourtant, ce n’est pas l’école qui forme l’esprit, l’intelligence et le cœur. C’est la nature ; c’est le contact avec la vie ; le commerce libre des deux sexes. L’école est un bâtiment. Tous les bâtiments sont des prisons. Ce n’est pas le maître d’école qui doit être le vrai éducateur et le guide du peuple. Le maître d’école est un maître. Tous les maîtres guident l’homme vers une seule direction : la servitude. Les éducateurs et les guides de l’enfance, ce sont tous les hommes qui vivent bien, c’est-à-dire librement ; et tous les morts qui ont bien vécu, c’est-à-dire qui ont librement vécu.