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reuse, des truismes à renversement qu’ils prennent pour des idées générales, et qui ne font de mal à personne. Ils vont ainsi leur petit bonhomme de chemin, lâchant de temps en temps, au milieu de l’indifférence désordonnée du public, des escouades de pensées honnêtes, très honnêtes, trop honnêtes, qui n’apprennent rien (mais ne font rien oublier), et qui vont à pied — au pas du style.

Mais ces journaux ne représentent guère la Presse française ; ils en représentent plutôt une exception honorable, bien que souvent attristante. Ce n’est pas chez eux que le gros public va chercher sa pâture, qu’il faut bien, hélas ! appeler sa pâture intellectuelle. Le gros public s’adresse ailleurs pour ça. Il a à son service un nombre considérable de journaux, qui se vantent d’être bien parisiens, et qui, peut-être, sont bien français.

On admet généralement que la Presse anglaise est la première du monde, et cette appréciation ne trouve pas de contradicteurs en France. La Presse française, la presse du gros public, est vraiment trop modeste ; elle devrait revendiquer la première place ; ses lecteurs devraient la lui attribuer sans hésitation. Il est extrêmement remarquable que le gros public français, qui a généralement une si haute idée des libres institutions qui l’enchaînent, ne soit pas plus fier de sa Presse, qui en est comme le résumé.

Le public français, malgré tout, aime ses journaux ; il les aime tellement qu’il paye deux fois pour les avoir ; indirectement et directement. Il paye directement lorsqu’il achète le numéro du journal ; et indirectement lorsqu’il paye ses impôts. Le gouvernement, en effet, prélève sur le produit des impositions les sommes nécessaires à l’entretien d’une bonne partie de la presse. Preuve de la haute valeur de cette presse ; car, s’il en était autrement, le gouvernement, toujours soucieux de la bonne administration des deniers publics, ne la subventionnerait pas.

Les journaux que lit le gros public sont dirigés par des écrivains de premier ordre, qui quelquefois savent signer leur nom ; hommes remarquables autant par la profondeur de leur savoir que par l’intégrité de leur vie pu-