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livre, j’oserai croire qu’il est préférable de vénérer la Bible.

Si les Français vénéraient la Bible, ou du moins s’ils la lisaient, ils y trouveraient bien des passages qui pourraient les intéresser et leur être utiles. Ils apprendraient que la chose la plus indispensable à l’homme, c’est le caractère, qui lui permet de penser librement, d’avoir des idées à lui, et d’agir d’après ces idées ; que la force consiste moins dans la longueur de l’épée qui vous pend au côté que dans l’énergie qui vous vibre au cœur ; qu’il est mauvais de se prosterner devant des images taillées et des idoles vivantes ; qu’il faut avoir confiance en soi-même, et non dans les alliances, qui sont toujours douteuses ; qu’il ne faut ni opprimer, ni subir l’oppression ; et qu’on doit haïr le mensonge, l’iniquité et les simulacres. Il y a beaucoup de belles choses écrites dans la Bible ; et beaucoup de belles choses, aussi, qui n’y sont point écrites et qui y sont tout de même. Mais il faut faire un effort pour les comprendre. Et un effort est impossible quand on a été poussé au sommeil peuplé de cauchemars, à coups de fouet, par le soudard qui garrotte les instincts pour estropier l’indépendance, et par le prêtre qui pervertit l’entendement afin d’étouffer la conscience.

Les Français sont descendus à croire que l’apathie armée, c’est la force. Ils ont fait litière de leur volonté. La vanité, la suffisance, leur en tiennent lieu. Ils se sont institués, gratuitement, le centre de tout, le point de comparaison dont ils rapprochent tout, le modèle sur lequel ils prétendent tout régler ; et la hauteur dont ils font preuve n’est qu’une nuance de la bassesse. Car ils se sont résignés à n’exister plus par eux-mêmes, à n’être quelque chose que par les impôts qu’ils payent et les exactions qu’ils subissent. Ils sont unanimes, ou peu s’en faut, dans l’acceptation de la servitude. Ils ne sont pas les seuls, certes, qui soient trompés par les gouvernements exploiteurs de peuples ; mais ils sont les seuls qui demandent à être trompés. Ils ne rejettent point la liberté par défaut de lumières, mais par orgueil bête et aveugle, par veulerie tenace, par parti-pris de stagnation. Le sentiment