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La liberté ne peut naître en ce monde avant que tout ce qui est religieux soit devenu purement et simplement humain, ait passé par le feu de la critique et de la négation.
Herzen.


J’étais dernièrement dans une ville de France. J’y fus l’involontaire spectateur d’une procession religieuse dans laquelle figurait une société d’anciens militaires ; ces vétérans marchaient, comme on dit, à l’ombre d’un drapeau tricolore ; le blanc de ce drapeau présentait à l’admiration des foules l’image sanguinolente d’un énorme Sacré-Cœur. Je ne sais pas si c’est avec ce drapeau-là que les capitulards de 70, qui commandent encore, les signataires de la paix infâme et leurs petits, qui gouvernent encore, ont l’intention de conduire au feu les citoyens français, lorsqu’il leur sera absolument impossible de faire autrement. Mais si telle est leur intention, j’ai un bon conseil à donner aux citoyens français. Ils ont en dépôt, paraît-il, au Crédit Lyonnais, un milliard de francs ; et quatre milliards aux Caisses d’Épargne. Cela fait cinq milliards, sauf erreur. Qu’ils prennent ces cinq milliards, montant d’une indemnité de guerre ordinaire, et qu’ils les versent après le premier coup de canon, en échange de la paix, entre les mains de l’adversaire. Cela leur reviendra moins cher que la lutte, et ne fera qu’en anticiper le résultat forcé.

Je reconnais qu’il y a, dans cet avis tout gratuit donné aux citoyens français, quelque chose de désobligeant pour les gouvernants civils et militaires de l’heure présente. Mais je ne pense pas qu’ils puissent se formaliser de ce léger manque d’urbanité. Ils emploient, en effet, dans leurs appréciations des hommes et des choses, une rondeur qui n’est pas sans aspérité et qui n’est point faite pour flatter l’amour-propre des intéressés. « La cause de nos désastres en 1870, » disait récemment l’un d’eux, « vous ne la trouverez pas ailleurs que dans l’indiscipline,