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pas seulement un mensonge ; c’est une imbécillité. Le calvinisme est français. Je n’entends pas par là, simplement, qu’il fut créé en France et par un Français. Je veux dire qu’il était propre à la France ; que jamais nation ne trouva une religion qui fût l’expression plus complète de son caractère vrai et de ses tendances réelles. C’est une chose que je pourrais démontrer aisément, même aujourd’hui que les tendances et le caractère auraient disparu de France, si l’esprit anti-catholique n’avait réussi à en préserver quelques restes.

Dans l’esprit anti-catholique le génie calviniste représente l’élément irréconciliable. Sa foi profonde dans la toute-puissance de la fatalité le rend impatient de toute contrainte, lui interdit l’acceptation de tout compromis. L’idée de prédestination met en rapport immédiat l’Individu et le Sort. Et toutes les institutions sont des compromis entre le sort et l’homme. Le Destin, tel que le connut la société antique, a cessé de plus en plus de jouer un rôle dans les sociétés modernes. La lutte contre le destin, ainsi que tout combat contre les forces de la nature, élève et virilise l’intelligence de l’homme et ses forces morales. La victoire, et même la défaite, soulèvent des émotions profondes ; l’agitation de cette lutte est aussi féconde en pensées larges que la contemplation de la nature, de sa majestueuse sérénité. Mais le destin, tel qu’il existe aujourd’hui, est un simple produit de l’usine bureaucratique qui fonctionne pour le compte de l’État et de l’Église. « À présent, c’est la Politique qui est la Fatalité, » disait Napoléon à Gœthe. C’est très vrai ; et ce qui ne l’est pas moins, c’est que la politique ne varie pas : elle consiste simplement dans l’asservissement des pauvres aux riches. Cette fatalité, sinistre parodie du destin, est imposée à l’homme par l’homme, grâce à l’intermédiaire des institutions politiques, sociales, religieuses, commerciales ; elle n’appelle pas au combat pour la vie la réalité intégrale de l’homme, mais développe l’une ou l’autre de ses facultés aux dépens de ses autres possibilités et de tous ses instincts. Elle le condamne à faire passer son