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à laquelle il gît ; peut-être s’apercevrait-on qu’il n’est que le ferment éternel, mais continuellement épuré, de la foi pour ainsi dire matérielle en la personnalité de Dieu ; peut-être s’apercevrait-on aussi que la personnalité de l’Homme ne peut exister, au moins chez les êtres de premier ordre, les individus d’élite que sont presque tous les calvinistes, sans que le sentiment de la personnalité de Dieu existe aussi en eux. Et peut-être découvrirait-on que cette personnalité de Dieu est simplement, surtout pour les êtres supérieurs, la personnalité humaine transfigurée, projetée hors des temps, agrandie, réfléchie dans l’infini — idéal purement humain et individuel, qui désigne plutôt une route qu’un but ; et en même temps représentation parfaite, dans la plénitude de l’effort victorieux, d’un concept que réalise imparfaitement, selon la force de son appétit de progrès et de son intolérance, l’individu terrestre.

Quoi qu’il en soit, et quel que soit le sort que l’avenir réserve aux religions protestantes, l’esprit protestant vivra s’il se souvient de son origine et s’il sait reprendre la force critique et intransigeante qui le possédait autrefois. À la fin de ce XIXe siècle, au commencement du XXe siècle, le protestantisme aura à protester contre toutes les infamies de l’ordre social et politique, ainsi qu’il le fit au XVIe siècle. Il serait absurde de prétendre que de pareilles préoccupations sont en dehors de sa mission. Elles sont sa mission même. Est-ce que les grands réformateurs n’eurent pas un constant souci des pauvres ? Ils firent plus que consoler les affligés ; ils les poussèrent au combat. Ils ne cherchèrent pas à amener sur leurs lèvres le sourire de la résignation béate ; ils leur mirent l’intolérance au cœur et les armes à la main. Ils se tinrent près de l’homme — et tinrent ferme. — Les protestants ont à recommencer les grandes luttes qu’ils engagèrent pour l’humanité et pour leurs patries, qu’ils aiment, puisqu’ils les veulent libres.

Le calvinisme voulait la France libre. Ce cuistre de Renan a écrit que « la France avait toujours été incapable de créer une religion qui lui fût propre. » Ce n’est