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faire de l’homme une bête de somme et du citoyen une bête sauvage. Ce qui est infâme et sale, c’est la permanence, devant la face de la nature, de toutes ces abominations ; des malpropres images taillées et des squalides formules de papier qui les symbolisent ; des monuments qui les abritent. Ce sont des choses dont on s’apercevra lorsqu’apparaîtra, au grand jour, la face livide des idoles.

Parmi les voix qui réclameront l’immédiate suppression de ces horreurs, la voix des femmes se fera surtout entendre ; et il faudra qu’on l’entende. Leur voix, ce sera la voix de l’intolérance. Voilà quelle sera la voix des femmes qui sont des femmes. Leur courage est jeune ; et elles comprennent qu’elles en émoussent la trempe, qu’elles compromettent leur cause en cherchant à pénétrer isolément, pour y prendre leur place, dans la vie d’aujourd’hui. C’est cette vie elle-même qu’elles doivent détruire, dont elles doivent arracher les racines qui ont pénétré leurs esprits et leurs cœurs, les superstitions, les préjugés, les habitudes néfastes et les imbécillités religieuses. Conscientes de leur force, de leur grande soif de vie et de libre développement, elles doivent refuser de soumettre leur individualité, leur sort, celui de leurs enfants, à la direction de dogmes, de règles et de mensonges. Elles doivent rejeter toute formule, mépriser toute institution, n’avoir confiance qu’en elles-mêmes, n’estimer, n’aimer qu’elles-mêmes ; leurs instincts doivent être la seule base de leur vie.

C’est l’intolérance de la femme — intolérance qui existe encore, heureusement, dans ses sentiments intimes, et à laquelle elle donnera un essor complet — qui apprendra à l’homme que la femme veut être libre, et doit être libre ; qui lui apprendra ce que c’est, en réalité, que la liberté ; qui lui démontrera que sa propre indépendance dépend de l’indépendance de sa compagne, et que la sujétion qu’il doit accepter aujourd’hui provient de la servitude qu’il permit à l’Église de faire peser sur elle. L’homme même le meilleur, l’homme des pays catholiques surtout, est devenu ignoblement tolérant ; il