que la seule préoccupation des hommes qui se sont donné la mission de veiller à la sécurité de la France a été de former une armée prétorienne qu’ils maintiennent par la terreur — une armée prétorienne qui existe indépendamment de tout contrôle, dans laquelle la plus odieuse tyrannie est de règle, dans laquelle tout idéal démocratique est foulé aux pieds, et que ses chefs projettent d’employer au triomphe de leurs idées cléricales et liberticides, même au prix de l’amoindrissement et de la ruine du pays.
Si l’on voulait donner une preuve du caractère misérablement despotique, mensonger et hypocrite, des institutions politiques et sociales de notre temps, on n’en pourrait trouver une meilleure que celle-ci : les armées actuelles sont des armées nationales ; et les nations n’ont sur elles aucun droit de direction ou de contrôle. Il est inutile de parler des prérogatives dont jouissent les représentants du peuple, des droits qu’ils pourraient exercer ; tout le monde sait quelle dégoûtante farce est devenu le système représentatif — et quelle dégoûtante farce il devait devenir, et doit devenir, dans un pays où n’existe pas une égalité effective au moins partielle. — L’armée nationale est un mot ; la représentation nationale est un mot ; la nation est un mot ; la patrie est un mot ; l’armée elle-même, pure et simple, est un mot. « Les mots, dit Voltaire, font en tout plus d’impression que les choses. » Ils font même tant d’impression qu’on en oublie leur sens réel, le caractère de la chose qu’ils représentent, qu’on n’ose même plus supposer qu’ils puissent avoir une signification. Les peuples sont comme des enfants captifs torturés par des mots. Les mots, les mots vides de sens, sont les geôliers des