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et d’une nature indéfinissable, qui s’est placé, dents et griffes, au service de la bourgeoisie. Les théoriciens du socialisme et les économistes varient d’opinion sur la nature du Capital ; les uns représentent son rôle comme désastreux, et les autres comme bienfaisant, ou tout au moins indispensable. Sa situation vis-à-vis du travail est discutée, jugée despotique par les uns, régulatrice par les autres ; généralement on les oppose l’un à l’autre ; mais c’est une chose que Deschanel ne comprend point. Deschanel ne comprend pas « qu’on oppose le capital au travail ; ils sont une seule et même chose, dit-il ; le travail, c’est le capital en formation. » Et, sans doute, le capital, c’est le travail en déformation. Deschanel, j’te vas tuer ! (J’espère bien.)

Au bout du compte, Deschanel, si sot qu’il soit, ne l’est pas plus que les théoriciens du socialisme et les économistes qui sont venus avant lui ; toutes les explications, toutes les définitions, en dehors d’une seule qui est tellement simple qu’on ne la donne jamais, sont complètement dérisoires. Le capital, c’est la terre, le sol. Il n’y a pas d’autre capital ; il ne peut pas y en avoir d’autre. Quant au Capital-Monstre, au capital tout-puissant, Moloch moderne aussi cruel et aussi insatiable que le Moloch antique, il n’existe et ne peut exister que comme expression métaphorique, comme figure de rhétorique. Il ne fait semblant d’exister que parce que les Pauvres sont assez bêtes pour admettre son existence ; le rôle qu’il prétend jouer, c’est le rôle que les Pauvres lui permettent de jouer. Il est vraiment inconcevable que les déshérités aient pu ajouter foi à l’existence du Capital ; il leur suffirait de le nier pour voir s’évanouir jusqu’à son ombre, jusqu’à son souvenir. En dehors de la fortune intellectuelle du monde, qui n’est le monopole de personne et qui, en fait, est propriété universelle ; en dehors de la fécondité de la terre, de la terre qui reste à conquérir et qui doit devenir propriété commune, où donc y a-t-il une richesse possible ? Où donc y a-t-il un Capital possible ? Voilà le cerveau et voilà l’estomac ; voilà la vie de l’esprit et voilà la vie du corps. Y a-t-il un autre genre