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aller leur dire que le travail n’ennoblit pas et ne libère point ; que l’être qui s’étiquette Travailleur restreint, par ce fait même, ses facultés et ses aspirations d’homme ; que, pour punir les voleurs et autres malfaiteurs et les forcer à rentrer en eux-mêmes, on les condamne au travail, on fait d’eux des ouvriers. Ils refuseraient de vous croire. Il y a, surtout, une conviction qui leur est chère : c’est que le travail, tel qu’il existe, est absolument nécessaire. On n’imagine pas une pareille sottise. La plus grande partie du labeur actuel est complètement inutile. Par suite de l’absence totale de solidarité dans les relations humaines, par suite de l’application générale de la doctrine imbécile qui prétend que la concurrence est féconde, les nouveaux moyens d’action que des découvertes quotidiennes placent au service de l’humanité sont dédaignés, oubliés. La concurrence est stérile, restreint l’esprit d’initiative au lieu de le développer ; s’oppose, par peur du lendemain — cette peur du lendemain toujours beaucoup plus forte que la haine des rivaux — à toute tentative un peu audacieuse ; se cramponne aux vieilles méthodes. La solidarité seule aurait l’énergie et la hardiesse nécessaires pour rejeter toutes les reliques du passé et pour employer résolument les procédés nouveaux. Au fond, le travail ne produit pas, mais transforme ; c’est la terre seulement qui produit ; et l’effort nécessaire à la transformation de ses dons, ainsi que l’aide qu’elle réclame pour nous livrer ses fruits, doivent tendre à se réduire de jour en jour à leur plus simple expression ; à devenir de plus en plus mécaniques, libres de main-d’œuvre. La seule raison d’être du travail, du labeur animal, est donc de se diminuer lui-même jusqu’à suppression plus ou moins complète. En refusant de comprendre cette chose si simple, en s’obstinant à croire à la nécessité du travail dans ses conditions présentes et à l’utilité de sa glorification, les Pauvres font le jeu de leurs tyrans et perpétuent leur propre esclavage.

La principale cause de cet esclavage, pensent-ils, est l’existence du Capital, monstre d’une puissance extrême