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La discorde vaut mieux qu’une horrible concorde où l’on meurt de faim.
Babeuf.


Le présent état de choses n’est sûrement pas le résultat d’un pacte librement consenti entre dirigeants et dirigés. Mais, s’il l’était, il ne pourrait certainement pas être défendu avec plus d’obstination par les deux parties contractantes. Quand on pense aux luttes de toute nature que les Pauvres ont à endurer afin de ne point sortir du rôle passif qui leur est assigné dans la tragi-comédie sociale, on se demande si réellement c’est le manque de courage qui les empêche d’essayer de modifier leur situation. De fait, ce n’est pas le manque de courage, en termes précis. C’est la fragmentation de ce courage ; la division jusqu’à l’infini de leurs facultés énergiques. Ce sectionnement des forces morales du peuple a été pratiqué avec une grande habilité, principalement par la création de soi-disant devoirs et de prétendus droits politiques, qui n’existent effectivement ni les uns ni les autres. Par exemple, on est arrivé à convaincre le Pauvre que voter, c’est remplir un devoir, accomplir un acte. Il l’a cru. Il n’a pas vu que c’était simplement renoncer à agir. Il n’y a pas d’action indirecte. Un mandant est un homme qui refuse de faire œuvre personnelle ; un mandat est une abdication ; un mandataire est un être qui fonctionne par ordre, ou plutôt — car c’est nécessairement un imbécile ou un misérable — qui fait semblant de fonctionner en vertu d’un ordre. La vaniteuse lâcheté confie le soin de ses destinées à l’ambition stérile. Résultat logique : néant. Voilà le devoir ; voilà le droit ; voilà l’acte.

Il est évident qu’en fractionnant ainsi la vitalité spirituelle du peuple, on pouvait espérer parvenir à détourner de leur direction normale certains courants d’énergie qu’il était impossible de supprimer. C’est ainsi que l’on a, de