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forme alors, par contraste nécessaire, le complément de la vie. Le calme hautain, la majesté sereine de l’art ne peuvent exister, être compris, par eux-mêmes ; ils doivent reposer sur l’agitation intelligente et multiforme, sur l’immense joie de la vie, dont ils émanent et qu’ils créent. Question d’esclavage ou de liberté. Les Pauvres choisiront ; ils choisiront pour eux et pour la France.



Qu’on attache à la première potence venue la canaille assez bête pour vouloir se laisser mourir de faim plutôt que de se rendre les doigts crochus.
Schiller.

Il n’y a rien de plus touchant que la bienveillance et la compassion dont les Pauvres font preuve les uns envers les autres ; que l’aide qu’ils s’apportent entre eux ; que leur esprit de sacrifice ; que leur amour du travail ; que l’instinct sûr qui leur fait comprendre l’utilité de la résignation et la nécessité de la souffrance ; que leur simple et profonde honnêteté. Ce sont là des vertus, ou je ne m’y connais pas. Sans ces vertus, l’existence des Pauvres telle qu’elle est serait vraiment impossible. Les bourgeois ne l’ignorent pas. Bien qu’ils n’aient pas l’habitude d’en faire usage pour eux-mêmes, ils savent quelle est la valeur de ces vertus et tout le parti qu’on en peut tirer lorsqu’elles sont mises en pratique par d’autres.

Donc, les Pauvres sont vertueux ; et leur existence actuelle est possible ; et ils continuent — chose tellement importante ! — à ignorer ce que c’est qu’une Patrie. Toute une organisation savante — politique, judiciaire, militaire, qui, à vrai dire, n’est qu’un échafaudage hétéroclite de vieilles formules tyranniques — les aide à se maintenir dans cette heureuse ignorance. Cette organisation coûte cher, et les pauvres en supportent tous les frais avec un plaisir dont on ne peut douter. Ils entretiennent aussi une sorte d’organisation industrielle et commerciale, qui ne