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riens, souvent misérables, que de tout jeunes gens ou des hommes qui frisent la cinquantaine quand ils ne l’ont pas dépassée ; les femmes de vingt à quarante ans, lorsque la possession de quelque bien ne les retient point à la maison, sont rares aussi. Conséquence, d’abord, du système militaire obligatoire ; les gars, en quittant le régiment, aiment mieux rester dans les villes que de retourner au pays ; les jeunes filles les y suivent ; l’existence, somme toute, n’est pas plus détestable à la cité qu’aux champs, et le hasard a plus d’occasions de vous y servir. Conséquence, surtout, du morcellement de la propriété individuelle, de l’usure, de la non-liberté de tester, de procédés de cultivation absurdement démodés qu’aide à maintenir le système protectionniste (ainsi, bien entendu, que le taux exagéré des fermages). Des trimardeurs, vaguement menaçants, détestés, parcourent les routes ; des étrangers, Belges, Luxembourgeois, Italiens, Allemands, sont appelés tous les ans pour la moisson. La vente des produits du sol, en dépit des tarifs protecteurs, s’opère mal, dans des conditions pitoyables. Si la récolte est mauvaise, on retire à peine de quoi vivre ; si elle est très bonne, ainsi que cela arriva récemment, il y a mévente et l’on gagne encore moins ; on travaille pour les accapareurs. Dans tous les cas, ce sont les agioteurs qui empochent les bénéfices. Voilà la triste situation d’un pays qui est surtout agricole et dont les deux tiers de la population doivent tirer, plus ou moins directement, leur subsistance de l’agriculture.

Gueux des villes et gueux des champs, serfs de la glèbe et esclaves de l’atelier, sont comme autrefois taillables et corvéables à merci. Tout l’antique système de servitude continue à peser sur eux. Quatre-vingt-neuf a peint en rouge leurs chaînes, d’un rouge qui s’appelle du minium et qui empêche le fer de se rouiller. Tout ce qu’on leur rabâche au sujet de la liberté qu’ils possèdent n’est que mensonge et qu’hypocrisie. Ils ont juste la liberté de mourir de faim. L’égalité devant l’impôt n’est qu’une farce ; les tarifs douaniers reconnaissent des zones ; la corvée n’est pas seulement représentée par les presta-