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Mme  Curmont, et qu’il demeurera leur fils pendant un certain temps. Ce qu’il pense de M. Curmont lui-même ? Rien ; d’un homme de paille, il vaut mieux ne rien penser. D’ailleurs, il a une barbe qui peut mener loin, sous un régime démocratique. Ce qu’il pense des amis républicains de M. Albert ? Mon Dieu ! Ça dépend. Que buvaient-ils l’autre jour, là, sous les arbres ? De la bière ? Eh ! bien, ils aspirent à boire du champagne. Croit-il que l’empire sera renversé ? Oui, il le croit. Et après ? Après, ce sera la même chose. Est-ce bien sûr ? Non, ce sera pis. Y aura-t-il une guerre ? Sans aucun doute.



Mon père, lui, est persuadé qu’il n’y aura pas de guerre. Il revient de l’Alsace avec le général de Rahoul ; ils sont absolument enchantés. Tout est en ordre et dans le meilleur état possible, hommes, matériel, etc. Ils n’ont fait leur tournée d’inspection que pour la forme ; rien de plus sérieux n’était nécessaire. Ils ont passé presque tout leur temps à Mulhouse, à l’hôtel des Trois Cigognes (un fort bel établissement, s’il vous plaît) ; et ils se sont séparés à regret de M. et Mme  Raubvogel, qui forment bien le couple le plus uni qu’on puisse voir.

Mon père, donc, est sûr qu’aucun nuage noir ne viendra troubler la sérénité du présent. Il s’étonne que M. Hardouin, un jeune homme sérieux, ait pu me dire ce que je lui rapporte.

— Ce qu’il t’a dit, mon garçon, c’est pour se moquer de toi ; c’est pour te punir de ta curiosité.

Je le vois bien. Personne n’a l’air de redouter une catastrophe. Bien au contraire. À Paris, où l’on m’a conduit l’autre jour, la gaîté règne plus que jamais ; c’est comme une fête perpétuelle. Le temps est si beau, en ces premiers jours de juillet !