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mon oncle vient me rejoindre. Sa figure a une expression singulière ; et je sens que sa main, qui prend la mienne, tremble très fort.

— Connais-tu cet homme, mon oncle ?

— Non, non… c’est-à-dire… non, dit mon oncle, en rougissant un peu. Il croyait me reconnaître… il s’est trompé. Malgré tout, ne parle pas de cela à la maison.

Je n’en parlerai pas, certainement. Mais je n’oublierai pas non plus le nom de l’homme : Holzung.

Des officiers passent sur la route, à cheval, chamarrés d’or.

— Toi aussi, tu seras officier, me dit mon oncle. C’est une profession qui a sa noblesse, quoi qu’on en dise ; mais à condition qu’on recherche moins les avantages qu’elle peut rapporter que la satisfaction de servir bien sa patrie. Et la patrie exige de nous non seulement des actions dangereuses et éclatantes, mais aussi des actes plus périlleux encore et sans gloire — sans gloire…



Mon oncle a encore passé la journée d’hier à Versailles. Nous avons été ensemble au cimetière où nous nous sommes longtemps agenouillés sur la tombe de mon grand-père. Et ce matin, il est parti.

C’est dommage. S’il était resté deux heures de plus, il aurait appris ce que c’est que Raubvogel. Il n’avait pas l’air d’en faire beaucoup de cas, mais il aurait vu que le cousin n’est pas le premier venu, et que c’est, comme dit Jean-Baptiste, un homme à poil.

Le général de Rahoul vient justement d’arriver avec le rapport qu’il avait demandé au service secret du ministère de la guerre de lui fournir sur Raubvogel. Il a tenu à lire, lui-même, de sa grosse voix, le rapport à mon père ; et, comme je n’étais pas loin, j’ai tout entendu.