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— Cela te servira beaucoup, plus tard ; et puis cela occupera ta grand’mère, lui fera prendre de l’intérêt à l’existence. Il faut bien aimer ta grand’mère, et l’écouter toujours. Elle t’aime de toutes ses forces ; et si tu savais, mon petit Jean, comme elle a été bonne pour nous, pour ta mère et pour moi, quand nous étions enfants…

— Oncle, raconte-moi quand tu étais enfant, quand maman était petite.

Mon oncle me prend par la main et se met à raconter. J’écoute, — oui j’écoute avec tant de joie, et je voudrais tant que mon oncle pût me parler toujours…

Nous marchons, nous marchons. Nous sommes sortis de la ville par la grille de l’Orangerie, nous avons longé la pièce d’eau des Suisses et nous montons une route qui serpente au milieu du bois que le printemps a paré de jeunes feuilles. À un dernier détour de la route apparaît l’immensité d’un plateau presque nu, avec des bâtiments à toits rouges, à gauche. C’est le plateau de Satory.

— Revenons par ici, dit mon oncle, après avoir jeté un regard devant lui. Et il indique un chemin qui descend, à gauche, après avoir contourné un massif d’arbres.

Au pied d’un de ces arbres, un colporteur est assis sur l’herbe, sa balle à côté de lui ; il mange un morceau de pain et lève les yeux sur nous comme nous passons. Son regard croise celui de mon oncle, qui tressaille et s’arrête une seconde. Cependant il se remet en marche ; et il a fait deux ou trois pas lorsque son nom, prononcé d’une voix sourde, le force à se retourner tout d’un coup. Le colporteur s’est levé et s’approche.

— Falke !

— Holzung ! C’est vous ?

Le colporteur est tout près de mon oncle, à quelques pas de moi, et je ne puis entendre ce qu’il lui dit. Il parle pendant quelques minutes ; pas en français, je crois ; puis