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nance, que la Prusse, malgré sa puissance que je suis le premier à admettre, n’aurait aucune chance de succès dans une lutte contre la France. Je voudrais vous dire, continue-t-il en riant sardoniquement, combien le maréchal Bazaine s’est amusé à la lecture d’un mémoire rédigé en mai 1867 par le général Frossart et qui lui fut communiqué l’autre jour. Ce précepteur du prince impérial prévoit dans son mémoire la défense de la frontière de l’Est, jusqu’à ce que l’armée ait reculé à Langres. On n’a pas idée de choses pareilles !…



Je me suis échappé de la salle à manger au milieu de l’inattention générale, afin de descendre à la cuisine pour voir le chef. Il est si beau, tout en blanc, tablier blanc, bonnet blanc, avec des grands couteaux dans sa ceinture. Et Jean-Baptiste, qui vient de siffler deux ou trois verres de champagne, est tellement amusant !

— Avez-vous vu le général de Rahoul, monsieur Jean ? En voilà un chaud de la pince ! S’il n’a pas mis le feu à votre cousine, c’est pas de sa faute. Le général de Rahoul, c’est un homme à poil !

— Jean !

C’est mon oncle qui m’appelle. Il a pris congé des convives avant le café, afin de faire une grande promenade à pied, et il me demande de l’accompagner. Nous voilà partis ; mon oncle, l’air triste et soucieux ; et moi, persuadé qu’il a quelque chose de très important à me dire. Mais je me trompe ; mon oncle ne me parle que de choses fort ordinaires. Il me demande ce que je sais, ce qu’on m’a appris. Je n’ai pas de mal à lui répondre ; il me dit que je dois chercher à m’instruire ; que je ferais bien, par exemple, de demander à ma grand’mère de m’apprendre l’allemand.