Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Car, pour moi, le résultat du Plébiscite d’hier, bien que nous ne le connaissions pas encore d’une façon certaine, ne peut pas faire l’objet d’un doute.

Mon père incline la tête en souriant, et Delanoix continue :

— Je dois dire pourtant que des considérations d’un ordre plus matériel m’ont engagé à entreprendre mon voyage. Les affections de famille sont les plus sûres et lorsqu’on a l’honneur et le bonheur de compter parmi ses parents des personnes qui occupent dans la hiérarchie sociale une place proéminente, et auxquelles leurs glorieux états de service assurent l’oreille des pouvoirs établis, je crois qu’il est permis, sans présomption, de compter sur leurs conseils, et même, à l’occasion, sur leur appui.

Mon père s’incline encore, un peu plus grave. Delanoix alors, sans transition, déclare que la fourniture du fourrage à l’armée, dans la région du Nord, est à renouveler avant peu ; il a l’intention de soumissionner. Il est bien certain que c’est une entreprise importante. Pourtant, ce sont moins les bénéfices qu’elle pourrait lui rapporter qu’il ambitionne, que le titre de fournisseur de l’armée. Sa fille, en effet, Estelle, va bientôt être en âge de se marier, et…

Mon père interrompt, brusquement.

— Je vois ; ce sont des recommandations qu’il vous faut. Eh ! bien, c’est une affaire à débattre…

Mon oncle se lève, priant mon père de l’excuser. Il désire aller passer quelques instants avec sa mère. Je demande à l’accompagner.

Ma grand’mère est assise dans son fauteuil, la tête baissée, les yeux fixés sur les braises ardentes. Elle se redresse à notre entrée et essaye de sourire ; et, ses yeux, tout d’un coup, se remplissent de larmes. Mon oncle vient s’asseoir à côté d’elle, prend une de ses mains