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de votre Nationalisme réel. — Vous aurez la victoire, la plus glorieuse de toutes, lorsque vous tendrez la main à vos frères, délivrés aussi, par-dessus les corps éventrés de vos ignobles tyrans… »

Mais un grand découragement s’empare de moi ; un fatalisme déprimant. — Pourquoi parler ? Je ne suis pas fait pour parler. L’épaulette, je le sens, est entrée comme une marque dans ma chair : je suis fait pour combattre. Et puis, tout n’a-t-il pas été dit pour pousser les esclaves à la liberté, pour les jeter au bonheur ? Tous les livres n’ont-ils pas été écrits, et tous les poèmes, et le plus grand de tous les poèmes — la Carmagnole ?

— Vive le son du canon !

Et c’est juste comme je fredonne, une après-midi, à Hyde Park, le refrain de la chanson splendide, que je vois passer à côté de moi une dame qui sourit ; j’ai à peine eu le temps de la reconnaître qu’elle m’aborde. C’est la baronne de Haulka.



Certes, si j’avais pu apercevoir à une certaine distance la baronne de Haulka, je me serais arrangé de façon à l’éviter. Quant à la baronne, elle se dit enchantée de me rencontrer, et elle semble considérer une conversation entre nous comme la chose la plus naturelle. La froideur de mon attitude ne paraît pas la gêner ; on dirait qu’elle ne s’en aperçoit pas. Elle me parle comme à un ami de longue date. Elle m’apprend qu’elle est venue passer cinq ou six semaines à Londres. Elle s’exprime avec tant de laisser-aller, de bonhomie, que je sens ma défiance et ma rancune fondre peu à peu, et malgré moi. Je me laisse entraîner à dire deux mots de mes affaires, puis trois ; et j’arrive aux confidences. J’avoue que je suis un peu las de mon existence présente, et que…