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quitter sa défroque de galérien et à s’envelopper d’un burnous. De ce garçon, naturellement assez énergique, intelligent et frondeur, quelques mois de captivité ont fait un idiot, une chiffe…

Le mercanti, sans bruit, a attelé une sorte de tape-cul. Il est une heure du matin comme nous partons, Fermaille, moi, et un jeune Maltais qui sert de domestique au mercanti, et qui doit ramener la voiture. Le petit cheval ne va pas mal, et il n’est guère plus de trois heures lorsque nous entrons dans Bône. Un peu avant d’arriver à la caserne des zouaves, nous descendons de la voiture, Fermaille et moi, et nous nous dirigeons à pied vers le port. Je reconnais bientôt le navire italien avec le capitaine duquel j’ai fait marché, il y a deux jours, avant d’aller à Macheda. Le capitaine, qu’un matelot a été chercher, paraît sur le pont, et nous montons à bord ; je verse à l’Italien la somme convenue, et je remets Fermaille entre ses mains. Puis, avant de descendre sur le quai, je donne à Fermaille un portefeuille qui contient vingt mille francs. C’est beaucoup, certainement ; mais je ne veux pas faire les choses à demi. Fermaille veut se jeter à mes pieds, m’assure de son éternelle reconnaissance, se confond en remerciements ; il trouve aussi que c’est beaucoup, vingt mille francs ; après tout, la liberté ne vaut peut-être pas cher, en monnaie française… Je suis obligé de faire signe au capitaine, qui fait disparaître Fermaille par une écoutille.

De l’avant-port, au lever du jour, je vois le bateau se mettre en route, gagner la haute mer, se diriger vers l’Italie. Quelques heures après, je prends passage à bord d’un steamer anglais qui va à Malte, où je désire passer plusieurs jours. Après quoi, j’irai quelque part, je ne sais où. Pas en France ; j’en ai assez, pour le moment. Sans doute en Angleterre.