Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’idée de Marie Stuart quittant la France. J’entends qu’elle s’appelle Estelle.

Puis, c’est mon oncle Karl qui arrive, le major Karl von Falke, de l’artillerie prussienne. Je crois que mon grand-père, lorsqu’il avait quarante-cinq ans, c’est-à-dire l’âge actuel de mon oncle, devait présenter la même apparence. Un homme droit, sec, dont les yeux ont un regard direct et franc, et dont la voix claire donne aux phrases françaises une précision particulière. J’ai peu vu mon oncle jusqu’ici, mais je me sens une grande affection pour lui. Je regrette seulement qu’il ait revêtu des habits civils ; j’aurais bien voulu le voir dans son uniforme. J’ai tellement envie de voir des officiers prussiens ! Ça viendra peut-être, si je suis sage.

Un peu avant onze heures, arrive un monsieur que personne ne semble connaître. Il se présente comme un parent, et décline à mon père ses noms et prénoms : Séraphus-Gottlieb Raubvogel, de Mulhouse.

Il donne des explications : il est le fils d’une sœur cadette de mon grand-père, qui naquit vers 1800 et qui se maria, se trouvant en de mauvais termes avec sa famille, avec M. Gustave Raubvogel, honorablement connu. Il est, lui, Séraphus-Gottlieb Raubvogel, l’unique fruit de ce mariage. Et, bien que sa mère eût cessé, durant toute sa vie, d’entretenir aucun rapport avec sa famille, il a pris sur lui de renouer des relations avec ses parents. Il s’est enquis de leur adresse, sachant seulement qu’ils habitaient Versailles ; et comme réponse, a reçu de l’agence à laquelle il s’était adressé un télégramme lui annonçant le déplorable décès de son oncle.

— Je regrette bien vivement, dit-il, qu’un événement aussi malheureux soit la cause de notre première rencontre. C’est une si grande joie pour moi, de lier enfin des nœuds de parenté réelle avec une famille dont le sort m’a tenu injustement éloigné, et à la tête de laquelle je