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allemande, sans vous douter que l’état de l’Allemagne diffère énormément de la situation de la France ; voilà pourquoi vous n’avez pas su trouver, pour votre gouvernement et pour votre armée, une formule adaptée à votre position particulière, extraite de cette position même ; en harmonie avec votre caractère…

— Du caractère, dis-je, nous n’en avons plus.

Je refuse, au grand regret de mon oncle, l’invitation qu’il me fait de passer quelques jours à Wiesbaden. Je veux repartir le soir même. Après un dîner rapide, j’ai juste le temps de passer à l’hôtel avant d’aller à la station. On me remet ma note, que je paye et que je vais mettre dans ma poche lorsque mes regards tombent, par hasard, sur ces deux mots imprimés en tête du papier : « Eigenthümer : G. S. Raubvogel. » Raubvogel, propriétaire ! Est-ce que ?… Mais le temps presse ; je n’ai pas une minute à perdre. En me rendant à la station, j’interroge le domestique qui porte ma valise. Quel est le propriétaire de l’hôtel ?

— C’est, dit-il, une dame ; une belle femme ; Mme Raubvogel, dont le mari a été mis injustement en prison par les perfides Français. C’est une bonne patriote allemande, une Alsacienne… une vraie Alsacienne… Hâtons-nous, monsieur, le train va partir…

Je ne tiens pas à vous faire part des pensées qui me harcèlent pendant le voyage. Vous pouvez facilement les imaginer. J’arrive à Paris le lendemain, et le surlendemain matin j’ai rejoint ma garnison.



À Sandkerque, j’ai d’abord passé quelques jours dans un état de prostration complète, n’ayant même pas la force de suivre une idée. Une image dominait toutes mes pensées, descendait sur elles, les écrasait : l’image de