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de nombreuses fuites, comme nous disons : on ne sait à qui les attribuer, et l’on soupçonne et l’on surveille tout le monde.

Et je cite des exemples, quelques-uns amusants. Ainsi, le cas du capitaine de Bellevigne, qui a des relations épistolaires avec une dame mariée, et qui n’ose pas permettre à cette dame de correspondre directement avec lui : il craint que ces lettres ne soient interceptées chez son concierge, et l’amoureux secret découvert. La dame lui écrit poste restante, au bureau de la rue du Bac ; et le capitaine va chercher les lettres tous les deux jours.

La baronne écoute sans manifester d’autre intérêt qu’un intérêt de politesse.

— Il est certain, dit-elle, que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes ; mais pourtant, avec beaucoup de patience, on arrive à vivre. Une chose nécessaire, aussi, c’est être sûr de soi-même, ne point se laisser effrayer. Et c’est le conseil que j’ose vous donner, monsieur. Soyez convaincu que votre père, qui avait ses fautes, car il était homme, n’a jamais commis aucun acte dont vous puissiez avoir à rougir.

Je quitte la baronne, enchanté ; enchanté d’elle, et de moi aussi. J’ai eu une fameuse idée, d’aller la voir ! Je pensais bien que Lahaye-Marmenteau parlait pour me faire peur ; à présent, j’en suis sûr. Il cherchera sans doute encore à m’effrayer, mais il perdra son temps. Maintenant que je sais que je n’ai rien de bien sérieux à redouter, je puis attendre l’attaque de pied ferme. J’ébauche peu à peu un système de défense, que je me propose de compléter à Sandkerque, où je me décide à retourner ce soir même. Mais, en descendant un escalier, je glisse, je me tords le pied, et il me devient impossible de faire un pas.