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pas difficile, car j’ai du pain assuré, au moins pour plusieurs années ; il me reste 150.000 francs environ ; et si je donne ma démission… Mais, immédiatement, une idée s’empare de moi : j’ai des ennemis, des gens qui m’en veulent — cette lettre anonyme, envoyée à Isabelle, en est encore une preuve — et si je pars, ces gens-là diront que j’ai eu peur d’eux, que j’ai fui, que je n’ai pas même eu le courage d’engager la lutte contre leur puissance. Ils vont probablement m’attaquer encore, traîtreusement, un de ces jours. Qu’ils viennent !…

Mes pressentiments ne me trompent guère. Vers la fin de janvier, juste au moment où mes nerfs commencent à se calmer un peu, je reçois l’ordre de me rendre à Paris, où le général de Lahaye-Marmenteau désire me demander quelques explications. — À propos de quoi ?



À propos de certains papiers que mon père, en sa qualité de commandant de Corps d’armée, avait en dépôt ; on ne retrouve point ces papiers. Ne pourrais-je mettre l’État-Major sur leurs traces ? (Je flaire là, immédiatement, un prétexte d’entrevue.) Je réplique sèchement que j’ai toujours ignoré l’existence même de ces papiers. Le général, piqué, me fait observer que mon affirmation ne suffit pas. Je réponds, plus sèchement encore, que cette affirmation doit suffire. Le général, qui paraît plus surpris qu’irrité, me regarde un instant dans le blanc des yeux ; et il se décide à dire, lentement :

— La disparition de ces documents peut avoir pour vous, indirectement, des résultats très sérieux. Si la mémoire de votre père est ternie, vous comprenez… Votre père a souvent été fort imprudent. Il a vécu, par exemple, durant plusieurs années, avec une personne des plus suspectes, une Allemande, cette baronne de Haulka…