mon arrivée. Un seul coup d’œil a suffi à me convaincre qu’elle est au courant de ma conduite ; je m’attends à une scène. Mais, après avoir repoussé la main que je lui offre, elle commence à me donner simplement les raisons de son voyage. Elle parle froidement, sans un geste, d’une voix calme, comme fatiguée, que secoue un peu d’amertume. Elle me dit qu’une lettre anonyme, qu’elle jette sur la table, lui a appris, il y a quelques jours, ce que je faisais à Sandkerque ; cette femme que j’ai enlevée à ce pauvre diable que j’ai fait condamner, et avec laquelle je vis. J’essaye de protester. Mais Isabelle m’apprend qu’elle est à Sandkerque depuis deux jours déjà et qu’elle est sûre de ce qu’elle avance. Elle ne peut, malheureusement, conserver aucune illusion. Elle me demande seulement pourquoi j’ai agi envers elle d’une pareille façon. N’a-t-elle pas été pour moi une bonne amie, franche et sincère ? Peut-être m’est-il impossible, pour une raison ou pour une autre, de lui retourner l’affection qu’elle me porte, peut-être la trouvé-je, par exemple, trop peu intelligente. Mais alors, j’aurais dû lui dire sans détours ce que je pensais. Elle aurait pu continuer à m’estimer. Au lieu qu’à présent… Elle ne peut comprendre pourquoi je me suis joué d’elle, pourquoi je l’ai bassement trompée, pourquoi je lui ai imposé une humiliation aussi imméritée.
Je ne réponds pas. Les paroles si justes, si exemptes d’exagération et si dignes, d’Isabelle, me réduisent au silence. Je me sens violemment saisi par le contraste entre l’esprit sincère, libre et haut représenté par cette femme que j’ai méprisée, trompée, et la vilenie, l’hypocrisie mesquine et féroce qui caractérisa mes actions. Quelles infamies j’ai commises, et non seulement envers elle ! Et lui demander de me pardonner !… Oui… je vais…
Mais Isabelle, après un silence de quelques instants,