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sa porte. Pas du tout ; elle me l’entr’ouvre. La Môme-Chichi est une bonne Française. Elle comprend très bien que les officiers doivent toujours faire leur devoir, si pénible qu’il soit ; que, sans discipline, il n’est point d’armée possible ; et qu’il faut une armée, car le café-concert doit croire à quelque chose. Donc, la Môme-Chichi a le cœur bien gros, mais elle me fait les yeux doux.

Je n’ai pas l’intention de qualifier l’acte que j’ai commis, pas plus que je ne veux décrire la situation d’esprit dans laquelle je me trouve. Après tout, si vous ne voulez pas qu’un homme abuse de son autorité — ne lui donnez pas d’autorité. — Le hasard est un grand maître. Pourquoi cette femme, cette Môme-Chichi, s’est-elle trouvée sur mon chemin ? Et juste au moment où il était dangereux pour moi de rencontrer des cheveux bruns, des yeux noirs ? Les dernières femmes que j’ai connues, Estelle et ses devancières, étaient blondes, très blondes. Ce sont là des détails qu’il ne faut point négliger de relater dans un livre sérieux. Ils feront comprendre ici mon enthousiasme pour les brunes. Ils expliqueront pourquoi j’ai été aussi violemment attiré par Isabelle, très brune, et par la Môme-Chichi, très noire. Et puis, pourquoi Isabelle n’est-elle pas ici ? Ce n’est pas tout à fait ma faute. Et puis… et puis…

J’installe la Môme-Chichi à Nalo-les-Bains, la plage de Sandkerque, à sept ou huit cents mètres des fortifications. Elle habite à quelques pas de la maison où j’ai mon appartement. Ça durera ce que ça durera. J’ai écrit à Isabelle de ne pas venir encore ; je lui dis que je n’ai pas pu louer la villa que je désire prendre pour elle ; je lui dis qu’il fait horriblement froid. Ce n’est pas vrai ; le temps est beau pour la saison.

Cependant, la Justice militaire (qui relève de la Direction de la Cavalerie) ne reste pas inactive. Le Conseil de guerre, au chef-lieu, juge Fermaille. Le malheureux