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la question ; et je puis vous en exposer le nœud en quelques mots. Mon père a respecté Isabelle. S’il était possible d’avoir des preuves de la chose, j’en aurais. Il l’a respectée, peut-être, parce qu’il ne pouvait faire autrement ; mais enfin, il l’a respectée. De sorte que je suis parfaitement libre de ne point l’imiter. J’en fais ici le serment : si tel n’était point le cas, je m’abstiendrais. Cela ferait saigner mon cœur, c’est certain ; mais je le laisserais saigner. Je ne suis pas de ceux qui traitent les choses à la légère et ricaneraient, à ma place : « Où le père a passé, passera bien l’enfant. » Non. Je sais être sérieux quand il faut l’être. Et c’est précisément parce qu’elle apprécie ma bonne foi et la gravité de mon caractère qu’Isabelle se décide à me donner son cœur.

Nous voilà heureux. À Nortes ? Pendant quelques jours. À Paris ? Pendant quelques jours. Puis, Isabelle part pour Trouville où elle reste jusque vers le milieu de septembre et où je vais la retrouver le plus souvent possible. Nous faisons des projets d’avenir ; dès qu’elle aura obtenu son divorce (l’instance a été introduite, il y a déjà longtemps, sur l’avis de mon père), nous nous marierons. Isabelle aura alors la libre disposition de sa fortune, dont elle ne touche à présent que les intérêts, et qui est considérable ; je m’attache de plus en plus à Isabelle. Sa compréhension de la Société, de l’Armée, etc., est au niveau de celle de la foule ; mais pourquoi pas ? Et pourquoi l’ordre social actuel n’existerait-il point, puisque ses victimes sont assez sottes et assez lâches pour l’accepter ? Et pourquoi n’en tirerions-nous pas tout le profit possible, nous, les privilégiés ? Isabelle croit à mon avenir, me voit déjà colonel, général…

Quoi ? Ma détermination de quitter l’armée ?… Vous voulez rire. Il y a beau jour que j’ai changé d’avis. Savez-vous à quoi je me suis décidé, à présent ? À imiter les méthodes de mon père ; ni plus, ni moins. Elles lui ont