porter à cette dame. Vous décrirai-je l’agréable villa qu’habite Mme Plantain ? Vous dépeindrai-je Mme Plantain elle-même ? Ne vous contenterez-vous pas de savoir qu’elle s’appelle Isabelle ? Vous penserez, naturellement, que je vous donne là un renseignement qui ne m’a pas coûté cher et que j’ai simplement trouvé au bas de chacune des épîtres que je viens de remettre, en mains propres, à Mme Plantain. Eh ! bien, vous vous trompez ; je n’ai point lu les lettres… Ah ! sapristi, je viens de vous dire qu’elles m’avaient beaucoup intéressé… Enfin, je les ai lues sans les lire ; je les ai parcourues ; je lis très vite…
Mme Plantain, aussi, lit très vite ; elle vient de me le déclarer ; (vous voyez que notre conversation est assez longue, assez amicale, et qu’il n’y aurait rien d’étonnant à ce que Mme Plantain elle-même m’eût appris son petit nom). Mme Plantain — Isabelle ! Isabelle ! — Isabelle avoue qu’elle raffole de Dumas père. Je confesse que je suis sanguinaire, mais que les abattoirs du roman d’aventures me dégoûtent. Alors, elle dit que ce n’est pas Dumas père qu’elle aime ; mais Dumas fils. Hélas ! Hélas ! Elle dit qu’elle adore la psychologie et qu’elle lit Bourget ; (ça, c’est pas vrai. On ne peut pas). Elle voit tout à travers des pièces et des romans. Quel vide ! Mais quel joli vide ! Des yeux qui ont la profondeur des rêves. (On dirait des puits. J’aime mieux m’arrêter ici ; je descends trop, pour commencer.)
Mme Plantain m’explique pourquoi elle a quitté son mari. Plantain n’était plus jeune, tant s’en faut ; c’était un savant, toujours enfermé dans son laboratoire, et qui ne supposait pas qu’une jeune femme pût désirer trouver dans la vie autre chose que des cornues. Je vois ça. Vous aussi. Mme Plantain est une femme incomprise. (Voilà un type neuf.) Un type fréquent chez les nations en décadence, lorsque l’intelligence, comme dit Gibbon, a renoncé « avec un sourire ou avec un soupir ». Une bêtise touchante et