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avaient non seulement conservé leurs positions mais avaient même gagné du terrain ; et Wittgenstein était obligé de renoncer à toute nouvelle attaque. Le Markgraf n’avait plus avec lui que 900 hommes. Et c’étaient ces 900 hommes qui, le lendemain 29, à une heure du matin traversaient les derniers la Bérésina, sauvant blessés et canons ; et se déployaient face aux ponts tandis qu’on les détruisait, formant l’extrême arrière-garde de la Grande Armée… »

La lecture du manuscrit, je l’ai dit, a produit sur moi une impression profonde. Cette impression, je ne veux pas l’analyser. Pourtant, elle pourrait se diviser en deux parties.

D’abord, absurdité honteuse des haines internationales. La composition des armées napoléoniennes, l’existence de l’Empire français avec des chefs-lieux qui s’appelaient Amsterdam, Rome et Hambourg, ne prouvent-elles point, par l’absurde, la possibilité de la fraternité des peuples ? Si les nations peuvent vivre en bonne harmonie sous le sabre d’un despote, ne pourraient-elles vivre fraternellement dans l’indépendance de fédérations libres ? Et quand je pense que l’homme qui a tracé ce manuscrit, mon grand-père, était un Allemand et qu’il a su donner toute une existence de bonheur à cette Française qui était ma grand’mère, je me demande si les frontières n’ont pas surtout pour mission de barrer la route à l’amour qui pourrait fondre les races, développer l’homme en force et en intelligence.

Ensuite, le Mensonge tricolore. De l’héroïsme dont firent preuve les troupes allemandes à la Bérésina et ailleurs, en 1812, Napoléon n’a pas dit un mot dans ses bulletins célèbres ; pas plus qu’il ne voulut parler de la bravoure déployée par les Saxons à Wagram ; pas plus qu’il ne voulut jamais faire leur part de gloire à aucun de ses alliés ; cela, disait-il, « aurait été contraire à la politi-