Pas plus de suicide que sur ma main. M. Delanoix est mort de honte ; il est mort de honte, comme un honnête homme. Voilà tout.
Donc, voilà le beau-père mort et le gendre en prison. Voyez-vous quel thème aux méditations d’un moraliste offrent les destinées de ces deux hommes ? Ils avaient, l’un et l’autre, un rôle à jouer dans la Comédie Inhumaine ; le premier a pris cette comédie au sérieux, et en a oublié sa vraie nature ; le second s’est toujours souvenu que cette comédie était une comédie, et s’est toujours souvenu aussi que ses instincts devaient dominer son jeu. Raubvogel, quels qu’aient été les masques — invariablement souriants, d’ailleurs — dont il ait agrémenté sa figure, est toujours resté un irrégulier, un fantaisiste ; et, bien qu’il paye aujourd’hui la pénalité due aux artistes, il a tellement acquis l’élasticité, la flexibilité du virtuose, qu’il ne souffre pas le moins du monde de ce qui lui arrive. Il n’en mourra pas. Il en tirera sans doute de nombreux bénéfices. Je suis sûr qu’il s’en tient les côtes, dans sa prison. Quant à Delanoix, le masque d’austérité immuable qu’il s’est posé sur la face a pénétré sa chair, est devenu sa chair même. Delanoix s’est transformé, réellement, en ce quelque chose de raide, de routinier, de rigide et de fragile, qu’il aurait dû seulement représenter : un honnête homme. Et la main du Destin, au lieu de le courber, de lui faire faire une pirouette, ou de le faire rire, l’a brisé. Le voilà mort. Et bien avancé, n’est-ce pas ? Lisez les journaux, et voyez la réputation qu’ils lui font. On le traite d’hypocrite, de tartufe, de canaille ; on assure qu’il était de mèche avec son gendre, et que c’est pour cela qu’il s’est tué. On sort de sales histoires sur son compte, et même on en invente. (Pourquoi ? oh ! pourquoi ?) Si Delanoix, au lieu de prendre la Comédie Inhumaine au tragique, avait simplement haussé les épaules, il vivrait encore ; on le respecterait ; et il boirait