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faisant mine de leur échapper. D’abord, pourquoi diable me témoignent-ils tant d’intérêt ? Ou plutôt, quel intérêt peuvent-ils avoir à me passer la corde au cou ?

Le capitaine de Bellevigne, auquel je demande des renseignements à ce sujet, n’en a point à me donner. Il se souvient seulement qu’un officier employé à la direction de l’infanterie lui a posé, il y a deux ans environ, les questions que je lui pose à présent. Lui, Bellevigne, ne comprend pas plus aujourd’hui qu’alors. Étrange…

Heureusement, mon père m’écrit de Nortes qu’il va faire un petit voyage à Paris ; il pourra sans doute me donner des explications. Il vient me voir un matin, en coup de vent, me remet une somme assez ronde et me donne rendez-vous pour le surlendemain ; il est très préoccupé, très affairé. Le surlendemain, je reçois une lettre qui m’apprend que mon père a été obligé de repartir tout de suite pour Nortes. Embêtant…

Après tout, ça ne fait rien ; les renseignements que je n’ai pu avoir ni de Bellevigne, ni de mon père, le cousin Raubvogel me les donnera sans aucun doute. Je vais aller… Ah ! mais, non ! Pas de bêtises ! Raubvogel mettrait sa femme au courant de mes petites affaires, et Estelle doit rester persuadée qu’elle seule me préoccupe. Alors ?… J’ai trouvé. Schurke.

Je m’en souviens parfaitement ; c’est le 1er mai 1896, à la suite d’un dîner auquel je l’ai prié, que Gédéon Schurke me fait les révélations suivantes : Mlle  Pilastre, qui est née à Nice peu de temps avant la guerre de 1870, n’est pas la fille de M. Pilastre. Elle est la fille du général de Lahaye-Marmenteau et d’une danseuse alors célèbre, la Saltazzi. Le général assista à la naissance de sa fille. Il s’était rendu à Nice sur l’avis des médecins auxquels il était parvenu à faire croire que sa santé était des plus délabrées. Pourtant, il ne put reconnaître son enfant ; il était marié ; sa femme, qui fut assez longtemps la maîtresse du général