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l’avoir oublié depuis. Ai-je oublié le nom de cet honnête guerrier, aux allures de rastaquouère, qui s’appelle le commandant Karpathanzy ? Il n’y paraît pas.



J’ai déjà dit que le général de Lahaye-Marmenteau était fort aimable pour moi. Rien ne m’empêche de le répéter. Le général est un de ces hommes froidement et tenacement insinuants dont on peut deviner l’esprit continuellement agité sous un calme apparent, très réservés et très fureteurs, à volonté toujours tendue, qui vous inquiètent et vous fatiguent. La première impression qu’ils vous font ressentir est extrêmement déplaisante ; mais leur habileté à jouer leur rôle la modifie rapidement, et peut même changer l’antipathie qu’ils inspiraient d’abord en une sorte de sympathie, non exempte de toute défiance pourtant. J’insiste sur ce dernier point afin d’expliquer pourquoi ce fut seulement vers le milieu de 1895 que je me décidai à répondre aux marques d’intérêt, que me prodiguait le général, par autre chose que par l’expression de la plus froide politesse.

C’est durant l’automne de la même année que le général, au Cercle Militaire, me présente à son ami M. Pilastre. La chose est faite comme par hasard. Mais est-elle faite par hasard ? N’a-t-on pas l’intention de recommencer les tentatives ébauchées à Malenvers ? J’ai très peu le temps de me poser, même, la question. M. Pilastre m’enlace de sa sympathie, m’enveloppe, me capture ; le moyen de résister aux avances de M. Pilastre, homme rond en affaires et carrément sans façons ?… Vous connaissez tous, au moins de nom, ce gros industriel qui est si fier de sa rosette d’officier de la Légion d’honneur et de son grade de commandant dans la territoriale. Sa fortune est considérable ; son intelligence, beaucoup moindre. J’ai