— Voilà, dit mon père, légèrement embarrassé. C’est une histoire de gamelles, de bidons, d’ustensiles de campement ; est-ce qu’on sait ?
— Je vois, fait Raubvogel ; c’est une affaire de casseroles. Et qui est-ce qui tient la queue de la poêle ?
— J’espère que ce sera moi, dit mon père ; car si je n’y réussis pas, je me vois déjà lancé à la rue avec un joli chaudron au derrière. Vous comprenez ? Non ? Alors, faites semblant. Non ? Eh bien ! voici la chose en deux mots. Jusqu’à ces temps derniers, Hablez avait un assez gros stock de fournitures qui lui avait été refusé par mon prédécesseur à la tête de la Commission de contrôle. Depuis que je suis devenu président de cette Commission, il a présenté de nouveau ces fournitures ; et, ma foi, elles ont été acceptées ; je ne vous dirai pas comment ça s’est fait…
— Inutile, dit Raubvogel. Grands dieux ! nous ne sommes pas des enfants ; et nous n’avons pas besoin de tant d’explications.
— Heu ! Le fait est, dit mon père, que pour quelques plats et quelques marmites qui n’ont pas toute la solidité désirable…
— La belle affaire ! s’écrie Raubvogel. Toute cette quincaillerie ne servirait qu’en cas de guerre ; et comme l’armée n’existe que pour conserver la paix…
— Justement. Il n’y a pas là-dedans de quoi fouetter un chat. Mais ces deux gredins de Dreikralle et Ganivais ont eu connaissance de la chose, je ne sais comment ; et supposant que Hablez avait cent mille francs dans la gosier, ils lui ont écrit avant-hier pour le menacer…
— Hablez a les lettres ? demande anxieusement Raubvogel.
— Non, répond mon père ; je les ai. Il est venu me voir hier pour me demander conseil et j’ai retenu les papiers, sous un prétexte. Les voici.