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venir et ça coupait la rancune. Des fleurs ! Des fleurs !…

Ah ! si mon père savait tout !… Au bout d’un instant, il continue :

— Le mariage de Dreikralle ne paraît pas lui avoir porté bonheur ; il a cessé d’être rapporteur du budget de la guerre ; tout le monde le croyait inamovible. Et je sais qu’il a recours, actuellement, à de tristes expédients. Cet article qu’il vient de publier à l’instigation de sa femme pourrait être un sale coup pour toi, pour nous ; mais en somme, c’est très maladroit. Toi aussi, tu es très maladroit ; mais tes maladresses sont quelquefois intelligentes. Oh ! tu ne le fais pas exprès. Rappelle-toi ta mission à Bruxelles, par exemple ; si tu avais envoyé le rapport qu’on te demandait, ayant contre toi l’hostilité de Dreikralle, tu aurais été frais ; il se serait servi de ton rapport pour attaquer Trisonaye, dont il convoitait la place ; il aurait vendu la mèche, et tu aurais été le dindon de la farce. Quant aux révélations que tu as faites à Curmont, malgré leur noire stupidité, elles vont nous être utiles. D’abord, il faut que tu nies, que tu nies mordicus avoir jamais dit un mot à ce vieux scélérat ; on l’a chassé de sa place de trésorier-payeur en raison de nombreuses malversations ; la parole d’un vieux coquin de son espèce ne vaudra donc rien en présence du serment d’honnêtes gens comme nous. Donc, c’est bien entendu : tu n’as pas vu Curmont depuis plusieurs années et tu n’as parlé à personne. Maintenant, j’ai déjà ébauché une petite combinaison. Je ne tiens pas à rester au ministère ; Lahaye-Marmenteau a été mis à la tête de l’État-Major général ; nous ne sommes pas en bons termes ; et j’aime autant aller prendre l’air de la province. Je vais t’expliquer la chose tout à l’heure, en présence de Raubvogel ; je l’avais envoyé chercher en même temps que toi, il y a une demi-heure ; tu a dû te croiser avec l’estafette.