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avant, puis double pas en arrière. Et la voix du commandant Sappue, aussitôt, siffle :

— Joue !… Feu !

Point de fumée. Une détonation sèche, hypocrite, implacable.

Des cris désespérés s’élèvent. Des femmes, des enfants, viennent de tomber, frappés par les balles ; la jeune fille qui tenait le mai en fleurs est étendue à terre, la tête fracassée, la cervelle répandue ; le jeune homme qui portait le drapeau a été tué d’une balle dans la bouche, et gît, couvert de sang… La foule s’enfuit, hurlant d’horreur. Des hommes du 245e épaulent encore, tirent. Un enfant que sa mère tient par la main est tué ; une jeune fille qui entre dans un café est tuée. Un jeune homme, au bout de la place, relève un blessé. Un soldat le couche en joue et il tombe.

Il y a une quarantaine de corps étendus sur la place, défigurés par d’horribles blessures faites à bout portant ; corps de femmes, corps d’enfants. Deux cadavres d’hommes seulement ; l’un celui d’un vieillard… Des filets de sang commencent à couler sur la terre noirâtre, forment des flaques rouges qui s’étendent, s’étendent…



Dès que le feu eut cessé, et tandis que les quatorze morts et les vingt-deux blessés gisaient sur la place, quelque chose s’est passé que je regretterais d’oublier.

La porte du presbytère s’est ouverte, trois prêtres en sont sortis et se sont approchés des victimes, comme des messagers de bienveillance et de consolation.

La porte du presbytère s’est ouverte, trois prêtres en sont sortis et se sont approchés des victimes, comme des chacals qui viennent flairer des cadavres.