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marche, menaçant de faire un scandale si on n’arrête pas Triboulé. C’est dégoûtant. Mme Triboulé est venue pleurer ici pendant un quart d’heure. J’ai eu toutes les peines du monde à la consoler, la pauvre petite. Comment se débarrasser de Plantain ? Voici, je pense, ce qu’on avait imaginé. Si tu avais envoyé de Bruxelles un rapport constatant la présence dans cette ville d’agents britanniques tramant de noirs complots, ce rapport aurait été communiqué à la Presse, par des voies détournées ; un grand mouvement d’opinion contre l’Angleterre aurait été créé artificiellement ; profitant de l’agitation, M. de Trisonaye se fût fait interpeller par un faux ennemi ; il eût empoché un ordre du jour rédigé par un ami, l’assurant de la confiance de la Chambre et l’invitant à poursuivre toutes les culpabilités. Le soir même, Plantain eût été arrêté, tout seul, et il eût été condamné au maximum, malgré toutes ses protestations.

— C’est simplement honteux ! m’écrié-je.

— Certainement, répond mon père ; c’est ce que j’ai toujours dit. Ces dénonciations continuelles faites par Plantain sont absolument honteuses ; elles sont indécentes ; elles portent atteinte au prestige de l’armée. Je suis heureux de voir que tu en conviens toi-même. Que ne t’ai-je exposé les choses plus tôt ! Tu aurais compris… Et le ministre eût pu faire arrêter Plantain. Tandis qu’à présent… Ah ! quelle sottise tu as faite !

Il me semble que je rêve, que je me débats dans un horrible cauchemar. C’est infâme, infâme, infâme…

— Voilà pourquoi, dis-je me parlant à moi-même, voilà pourquoi Issacar avait été envoyé par Camille Dreikralle pour me pousser…

— Dreikralle ? s’écrie mon père. Tu dis Camille Dreikralle ?

Il paraît réfléchir ; et, au bout d’un instant, s’avance vers moi.